Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

Encyclopédie impossible et infinie du monde créé par Schuiten & Peeters

Outils pour utilisateurs

Outils du site


Bulletin de l'Académie des sciences, Brüsel, GTSJA.


Le réseau Urbicande, une transition de phase dans le continuum éthérique ?

Par le professeur Nered
Traduit par Sylvain St-Pierre


Le Réseau Urbicande, une transition de phase dans le continuum éthérique ? Le Réseau Urbicande, une transition de phase dans le continuum éthérique ?

Introduction

L'histoire de l'humanité est un vaste océan qui a été le théâtre d'événements extraordinaires et de tempêtes glorieuses. L'étude et l'analyse de ces bouleversements ont suscité des controverses qui, aujourd'hui encore, agitent historiens et scientifiques. Certaines hypothèses méritent cependant d'être reconnues. Il est de notre devoir, en tant que citoyen et homme de science, de fournir et d'expliquer, dans des termes facilement compréhensibles par les profanes, les clés de certaines périodes obscures de notre civilisation. La théorie exposée dans cet article n'aura donc pas le format scientifique profond que l'on trouve habituellement dans le Bulletin de l'Académie des Sciences. Il est en effet des révélations qui ne peuvent rester cachées dans l'ombre de la science, voilées derrière une litanie de termes durs et énigmatiques, inaccessibles au plus grand nombre. Le sujet que j'ose aborder ici justifie pleinement l'usage de la vulgarisation, puisqu'il s'agit du Réseau Urbicande ou, comme on l'appelle parfois, du Web (traduction incorrecte du terme original Réseau). Urbicande, dont l'ombre est devenue le spectre qui hante nos esprits, ville perdue, âme perdue ; dont l'évocation, à elle seule, fait ressurgir tant de rumeurs. Calculs sauvages, spéculations, non ! J'ose affirmer que le Réseau n'était pas un mythe, le Réseau s'est matérialisé, il a grandi, il a inquiété Urbicande, le tout au cours d'une expansion qui défie l'imagination. Selon mon hypothèse, que je vais développer brièvement mais en profondeur, l'apparition du Réseau correspond à une transition de phase qui a affecté l'espace éthérique, rompant un équilibre qui n'aurait jamais dû se rompre.

La transition de phase : un phénomène physique observable

Avant toute chose, il convient de définir et de décrire ce qu'est une transition de phase. Je ne rappellerai évidemment pas mon travail sur “The Theoretical Study of Structural Phase Transition in Low Dimension Systems” ni mes “Calculs Explaining Vitreous Transitions Under Pressure1). Il s'agit d'articles obscurs, qui ne sont pas nécessaires à ma démonstration. Le lecteur averti pourra s'y référer et juger par lui-même du bagage scientifique que je possède et qui est reconnu par mes pairs.

Les données sur lesquelles repose mon explication font appel aux seules notions de Force et d'Energie. Le concept de Force peut être assimilé au potentiel contenu dans le bras d'un homme et celui d'Énergie au travail nécessaire pour utiliser la Force. Je demanderai également au lecteur un peu d'imagination et j'espère que vous accepterez ce voyage au cœur de la matière, dans le domaine de l'infiniment petit, car ce n'est qu'à l'échelle de la molécule - d'un seul point, en fait - que l'explication devient claire comme de l'eau de roche. En effet, il existe entre les molécules des forces dites interactives (attraction et répulsion). Ces forces chargent les objets étudiés d'une énergie d'interaction, notée Ei. De même, les forces cinétiques nées de l'agitation thermique - phénomène persistant dans tout élément - génèrent une énergie cinétique, Ec. La relation entre Ei et Ec définit les trois principaux états de la matière : lorsque Ei est très supérieur à Ec, les molécules, serrées les unes contre les autres, forment un solide. Elles formeront un liquide si les deux énergies sont équivalentes. Enfin, dans les cas où Ei est inférieur à Ec, les molécules définissent un état gazeux (Fig.1).

Ei > EcÉtat solide
Ei = EcEtat liquide
Ei < EcEtat gazeux

Fig.1 : les différents états de la matière.

Or, le niveau de ces énergies est étroitement lié aux conditions du milieu environnant, ou extérieur, telles que la température et la pression. Ainsi, il est très facile de moduler la relation entre Ei et Ec : chauffez de l'eau, elle va bouillir et s'évaporer. Trivialement, le phénomène est une transition de phase, de l'état liquide à l'état gazeux ! Nous avons modifié l'un des paramètres du milieu extérieur - la température - en provoquant simplement un glissement de l'égalité Ei = Ec vers Ei < Ec. Nous avons rompu l'équilibre qui maintenait l'eau à l'état liquide. Une transition de phase est le passage d'un état physique à un autre provoqué par une modification de l'équilibre de l'état initial.

La nature accepte tous les changements de phase. Cette Nature que nous, scientifiques, essayons tant bien que mal d'imiter, peut nous révéler des merveilles, parfois fragiles et éphémères, qui sont la traduction d'une transition de phase ! Prenons par exemple le merveilleux spectacle que constitue l'observation des cristaux de neige, fragiles lamelles se combinant de mille manières, créant un réseau complexe et unique, monument à la gloire de l'eau (Fig.2). Ces joyaux, avant leur genèse, n'étaient que de la vapeur d'eau, condensée 2) dans des conditions spécifiques de température et de pression.

[<ignore>{{ :dictionary:pbulletin3.jpg?nolink& <ignore>|</ignore></ignore>Fig.2 : snow crystals.<ignore>}</ignore>]

Ainsi, un fluide, quel qu'il soit, même gazeux, peut être influencé par une transformation qui l'amènera, de manière spectaculaire, à l'état solide. Les variations impliquées peuvent être telles que l'observateur assistera à la croissance d'un cristal, matérialisant l'éternelle dualité ordre-désordre.

<De la transition de phase au réseau Urbicande <ignore>=====</ignore> Après avoir exposé les arguments physiques de mon interprétation, le lecteur pourra extrapoler les données avec moi et comprendre la nature des événements d'Urbicande : le Réseau était la manifestation macroscopique d'un phénomène microscopique, une transition de phase impliquant la condensation d'un fluide particulier non palpable en un état physique cristallin visible. Tout comme l'eau peut devenir, dans des conditions appropriées, neige plutôt que pluie, Urbicande a pu bénéficier, en son sein même, d'un état de fait exceptionnel qui a fait basculer les forces naturelles, de leur abîme éthérique, dans une dimension physique structurée. La genèse du Réseau a été l'expression d'une transition de phase de l'espace éthérique lui-même !

La ville d'Urbicande a été l'épicentre d'un processus qui a concrétisé, lors d'une rupture brutale des conditions d'équilibre de l'Espace Ethérique, un champ de vecteurs naturels en un cristal aux propriétés fantastiques. Il faut donc considérer l'ensemble de l'espace éthérique (végétal, minéral et humain) comme un milieu continu et homogène dans lequel un point de mutation (selon le mathématicien R. Thom.) a permis la rupture d'un champ quasi ésotérique du côté de la matière. L'aspect initial du cristal aurait pris la forme du contour d'un cube. La singularité ainsi créée et son expansion amorcée, nourrie à la source infinie de l'Ether, Urbicande fut jetée en pâture. Le Cristal Éthérique prit des dimensions surréalistes ! L'innocente structure originelle était en effet multipliée à une échelle titanesque, suivant une progression mathématiquement établie :

<ignore></ignore>Un <ignore>=</ignore> (2n+1)(2n²+2n+3) / 3<ignore></ignore>

La formule que je présente ici, bien que simpliste, ne met cependant pas en évidence le caractère expansionniste des troubles qui agitèrent Urbicande et certains préféreront sans doute celle-ci 3)) :

<ignore></ignore>Un <ignore>=</ignore> (2n+1) + 4[(2n-1) + 2(2n-3) + 3(2n-5) + … + n]<ignore></ignore>

que le profane appréciera à sa juste valeur, car elle suggère à merveille l'accent tragiquement infini du problème.

Au-delà de la formule, retenons tout de même ce concept, cet état de fait extraordinaire : la matérialisation du Champ éthérique. Comme si une pensée pouvait prendre forme pour exprimer toute sa force et sa magnificence. De même que les péradams 4) peuvent être l'expression pure de la sagesse, le Réseau était une leçon, une traduction de la Nature s'élevant au-dessus de l'Homme.

Conclusion <ignore>=====</ignore> Conclusion <ignore>=====</ignore> Mes révélations, mon raisonnement, ma thèse, ne sont pas, loin s'en faut, de pures spéculations. Elles sont, bien que trop succinctement condensées dans cet article, le résultat d'un travail ardu 5), d'une recherche scientifique et d'une enquête sur le terrain 6). Le champ de mes investigations a couvert une vaste étendue, mêlant science, histoire et ma vision a parfois dépassé le matérialisme. Chaque piste était une ombre patiemment dissipée. J'ose espérer avoir apporté une contribution qui sera bien considérée et qui jettera un peu de lumière sur les événements obscurs qui ont apporté tant de bouleversements à Urbicande. Oublions les mots de mystification, d'hallucination ou de délire, c'est de l'agitation inutile. Réfléchissons plutôt et essayons de poser les bases logiques de toutes les explications, les bases d'une argumentation qui mène à la rationalité. Alors, certainement un jour, aurons-nous la conviction, la force et l'intelligence d'accepter cette parole : <ignore></ignore>vérité<ignore></ignore>.

Professeur Nered

1)
In Bulletin of the Academy of Sciences, Brüsel, PASB, 178594 et 179360.
2)
Condensation : définit une transition de phase de l'état gazeux à l'état solide. Le processus inverse désigne la sublimation.
3)
“Equation de Robick”, fragment d'un manuscrit exposé dans le Temple d'Urbis.
4)
Nous faisons ici référence à l'improbable Mont Analogue de R. Daumal au sud-est de notre continent.
5)
“La raison du réseau” par le Pr. Nered, travail en cours.
6)
J'ai eu l'intuition initiale à la suite d'une discussion avec une très charmante dame alaxienne.