Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

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Lettre de Mary von Rathen

Version française par Michel Ballieu.

Lettre de Mary von Rathen Courant septembre 2013, France Culture a diffusé un documentaire sur les voyages dans les Cités Obscures. Dans le deuxième épisode de ce documentaire, une mystérieuse lettre a été retrouvée. La lettre était écrite par Mary von Rathen.

Mary est connue sous le nom de L'Enfant Penchée 1) et enquêtrice d'événements mystérieux 2). Une communication antérieure de Mary à François Schuiten et Benoît Peeters est connue dans le livre Correspondances.

Cliquez sur les détails ci-dessous pour zoomer sur cette section de la lettre :

Transcription et traduction

Cette lettre est adressée à monsieur Védrine, selon nous, l’auteur n’est pas la même personne que celle qui a écrit les lettres faisant partie du livre Correspondances.

Le style n’est pas le même, il est bien moins élaboré et il présente quelques fautes d'orthographe. De plus on y décèle des indices qui démonterait que ce texte a été écrit par un homme peu habitué à utiliser une grammaire française spécifique aux femmes.

Voir: Mystery of Mary.

Transcription

Monsieur,

On me fait parvenir ce matin courrier signé de votre nom. Je suis loin à présent et il faut plusieurs jours pour qu'un bateau passe près de ces côtes. Je m'étais promis de ne plus jamais prendre contact avec votre monde. Le “ Laetitia ” ayant été remisé pour de bon, pour mon plus grand bien, il m'était impossible d'avoir le moindre lien. Mais voilà, l'évocation de ce seul nom : Peeters, aura suffi. Et je vous envoie donc ce mot en espérant qu'il saura trouver un chemin. Cette époque, pas si lointaine, fut pour moi la plus intense et la plus trouble qui soit : mon passage dans votre monde et les quelques mois que j'y ai vécu, contrainte par l'impossibilité de revenir. Ce ne fut pas facile croyez-moi, et j'ai dû m'abaisser aux pires tâches. Mais oui, la note que vous évoquez accolé à celui de François Schuiten, aura été comme un phare dans la nuit que fut mon séjour chez vous. Je ne sais plus comment j'ai pu rentrer. Des hommes, je crois. Des messagers sont venus me prendre. J'en garde aujourd'hui un souvenir confus. Une précipitation. Une course. Une porte violente. Je ne m'étendrai pas sur mon expérience de ce retour, ni sur les mois qui suivront, si vous me le permettez. Bien sûr cette expérience a développé en moi une acuité particulière. On me prêta des dons que je n'avais pas. Des savoir-faire inconnus… Absurdité… Puis ce fut une autre lumière, celle de Malegarde. Et le long périple pour traverser toutes ces terres en sa compagnie et celle d'Axel. Vous voyez, je n'ai pas grand-chose à vous raconter, somme toute. Depuis que je suis à Ypigy, ma mémoire s'est quelque peu effacée. Tout se brouille. Ne restent que quelques images furtives… Quelques noms. Augustin bien sûr… Benoît et François… Vigoleis Koelber… Frédéric Young… Wilbur Leguebe… Roman… Une chose cependant. Ce qui me pousse aujourd'hui à vous écrire. Je vous vois curieux comme beaucoup de vos semblables. Vos amis le furent en leur temps. On vous parle de villes insensées, de personnages extravagants, et d'histoires fascinantes… Mais personne ne vous parle de douleur, d'absence et d'impossibilité. On ne “ passe ” pas indemne, on laisse toujours un peu de soi. Que croyez-vous ? Que vos amis publient pour leur plaisir ? Qu'ils se divertissent à broder des romans ? Ils publient car ils ne peuvent faire autrement. Ils publient pour tenter de se raccrocher aux bribes qu'ils ont gardées de cet unique passage qui fut le leur. Ils publient car ils savent qu'un peu d'eux-mêmes est resté ici et que depuis tand [sic] d'années ils sont au bord d'une abysse dont ils ne peuvent évaluer le fond. Ils sont à la pire place : celle du seuil… Ni d'un coté… [sic] ni de l'autre… Ne faites pas l'expérience du passage, Monsieur Védrine, je ne la souhaite à personne. Gardez-vous bien de chercher toute porte. Il en existe partout, parfois plus proches qu'on ne le pense. Et la tentation est grande, à condition que l'on connaisse la clef. Votre monde est terrible et beau. Le mien l'est davantage. Après tout ceci, on ne peut vivre sereinement qu'à un seul endroit. Précisément là où je me trouve.

-Mary von Rathen

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