Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

Encyclopédie impossible et infinie du monde créé par Schuiten & Peeters

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Correspondances (dossier)

Ce dossier comprend les notes de Sylvain St-Pierre sur un livre présenté comme étant la compilation des messages échangés entre Mary Von Rathen et Benoît Peeters & François Schuiten.

By Sylvain St-Pierre
Version française par Michel Ballieu.

I : Historique du document

Vers la fin du mois de janvier 2003, j'ai (Sylvain St-Pierre) reçu de Benoît Peeters un e-mail qui se terminait d'une manière assez étrange.

…/… En toute amitié,

Benoît

PS : François et moi avons reçu à Angoulême, des mains d'une jeune fille qui est apparue aussi vite que disparue, une compilation complète (sous forme de livre) de nos échanges avec Mary von Rathen. L'avez-vous également reçu ? Sinon, cela ne devrait plus tarder. Apparemment il y en a 25 exemplaires en tout. Et nous ignorons toujours qui est à l’origine de cet ouvrage…

J’ai lu ce message au bureau, durant la journée. N'ayant pas vu le livre auquel il faisait référence, je m'étais préparé à envoyer une réponse négative à Benoît. En rentrant chez moi, dès que j'eus franchi la porte, j'eus la surprise de découvrir qu'un livre avait bien été déposé dans ma boîte aux lettres pendant mon absence. Pas de timbre, pas de cachet, pas d'emballage, rien qu’une carte glissée entre deux pages, portant une seule la mention : « Pour Sylvain St-Pierre ».

Un rapide survol du livre, intitulé « Correspondances », révèle qu'il s'agit bien d'une compilation des échanges faits, au fil de plusieurs années, entre nos deux auteurs et une personne se présentant sous le nom de Mary von Rathen. Tout fan de la série des Cités Obscures, digne de ce nom, est au courant de l'existence de ces lettres, et il se dit même que nos auteurs se soupçonnent mutuellement de les avoir écrites. D’autre part, plusieurs détails dans ces lettres se retrouvent dans certains albums des Cités Obscures, principalement dans les deux premières versions du Guide des Cités.

Je peux facilement faire confiance aux coïncidences, mais celle-ci était un peu trop exagérée pour y croire et j'ai répondu à Benoît qu’il m’apparaissait être un suspect de premier ordre. Il a alors juré que ni lui, ni François, n'étaient l'auteur de ce livre. Cette réponse est assurément crédible, d’autant plus que, moi aussi, je pouvais être suspecté, puisque je détenais ces informations et que je les partageais avec mes confrères obscurophiles ! C’est alors que les spéculations ont commencé à se répandre à la vitesse de l’éclair.

Mieux encore : quelques jours plus tard, notre ami Olivier Tissot m'a dit qu'il avait également reçu un exemplaire de ce livre mystérieux. Dans son cas, il lui a été livré à son bureau, dont l'adresse n'est pourtant connue que de quelques amis proches. Autre coïncidence étonnante, il était à ce moment-là en pleine conversation téléphonique avec Alex Willem, un autre obscurophile bien connu. Il n'en fallait pas davantage pour que, lui aussi, rejoigne, malgré lui, le club des suspects.

A ce jour, plusieurs hypothèses, concernant la véritable origine de ce livre, ont été émises. Certaines d'entre elles sont quelque peu idiotes, pour ne pas dire carrément farfelues, par contre d'autres méritent un examen plus approfondi.

La seule chose dont je suis absolument certain, c'est que je ne suis en aucun cas lié à ce complot. Je suis cependant conscient qu'il peut être difficile d'en convaincre d'autres personnes, dès lors, pour compléter ce dossier, je vais essayer de le rendre aussi exhaustif et impartial que possible. En tant que Canadien, je respecte la primauté du droit britannique : tout accusé est innocent jusqu'à preuve du contraire !

II : Analyse du document

La livraison

Les huit exemplaires connus de « Correspondances » ont été livrés en cinq étapes distinctes, toutes dans des circonstances mystérieuses.

24 janvier 2003 (vers 19h00) : Angoulême, France - François et Benoît reçoivent chacun leur exemplaire des mains d'une jeune femme, décrite par Benoît comme étant “brune, jolie, environ 25 ans”, surgissant de la foule assistant à une présentation dans le cadre du 30ème Festival de la Bande Dessinée. François Schuiten étant président cette année-là, sa présence à cet endroit était à peu près une certitude ; mais à ce moment il était à l'autre bout de la scène et n'a apparemment pas remarqué ce qui venait de se passer. Après quelques mots rapidement prononcés, l'inconnue s’est fondue dans la foule aussi soudainement qu'elle était apparue.

Aussi spectaculaire qu’il soit, cet événement n'est rien en comparaison de la façon dont une lettre précédente a été livrée. C’était en 1996, le 24 octobre, à Montreuil - en banlieue parisienne - lors d'une conférence donnée par nos auteurs, les lumières s'éteignirent subitement. L’éclairage revenu, on s'aperçoit qu'une enveloppe contenant un message de Mary a été déposée sur la table ! Nous ne reprocherons à personne de lever un sourcil…

29 janvier 2003 : Laval, Québec, Canada - Mon propre exemplaire de Correspondances a donc été déposé anonymement dans ma boîte aux lettres quelques heures après une conversation avec Benoît Peeters qui m'avait dit de m'attendre à quelque chose de similaire. J'ai été moins surpris cette fois-ci que lorsque j'ai reçu le « Testament ».

Bien que je ne sois toujours pas dans l'annuaire, mon adresse est maintenant connue de plusieurs obscurophiles. Mais ce n'était pas le cas lors de cette première livraison, et je me demande encore comment cela a été possible ! Il se trouve que ma mère était à la maison ce jour-là, et elle a vu par la fenêtre que c'était un homme - arrivé en voiture - qui avait déposé le document. Pensant qu'il devait s'agir d'une distribution de feuillets publicitaires, elle n'a malheureusement pas prêté davantage d'attention aux détails.

4 février 2003 : Paris, France - La façon dont Olivier a reçu son propre exemplaire est encore plus étrange. Il discutait au téléphone avec Alex Willem, un obscurophile bien connu et webmaster du Site des Passages, lorsque sa secrétaire reçut un colis adressé à son nom. Alors que plusieurs d'entre nous ont l'adresse du domicile d'Olivier, celle de son lieu de travail n'est pas publiquement connue. La trouver n'est pas une tâche impossible, mais, en faire la recherche, démontre à quel point le concepteur de cette intrigue est prêt à tout pour développer cette mystérieuse histoire.

Aux dires de sa secrétaire, l'exemplaire d'Olivier a été déposé, par une jeune femme « qui ressemblait à une étudiante ». Elle se présentait comme étant italienne. “Je n’ai aucune idée d'où cela vient” furent à peu près ses seuls mots, mais apparemment elle ne connaissait que très peu le français et parlait l'anglais avec un accent étranger. Ce dernier détail a été raconté à Benoît Peeters, qui a répondu qu'il n'avait rien remarqué de tel chez la jeune dame d’Angoulême. Il est bien sûr possible qu’il s’agisse d’un truquage pour brouiller les pistes.

A l'époque, j'avais déjà averti Alex et Olivier de l'existence de ce mystérieux livre. Je ne suis pas au courant du contenu exact de leur conversation, mais on peut - sans grand risque de se tromper - supposer qu'elle a dû prendre une tournure des plus intéressantes immédiatement après la livraison du colis… A tout le moins, Alex confirme que la surprise d'Olivier semblait bien réelle.

23 février 2003 : Vottem, près de Liège, Belgique - Nous avons très récemment, par pur hasard, et grâce à notre correspondant Alex Willem, reçu un message d'Eddy Remy, auteur du premier Dictionnaire des Cités Obscures. Nous manquons encore de détails précis sur cette affaire :

Ce devait être le dimanche 23 février ; Je revenais d'une randonnée en forêt et j'enlevais mes chaussures de marche dans mon garage. Il faisait nuit (vers 18h30) et une inconnue, jeune (25 ans tout au plus me semblait-il) m'a demandé si j'étais Eddy REMY. Elle m'a ensuite donné ce livre. Elle s'est rapidement détournée et est montée dans une voiture, sur le siège du passager avant; elle ne conduisait pas le véhicule, que je n'ai pas identifié (ni la marque ni la couleur, à cause de l'obscurité !).

4 mars 2003 : Paris, France - Jusqu'à présent, le Grand Prix de la livraison la plus étrange a été remporté par Jérome Jouvray, un autre obscurophile de premier plan. Jérome a découvert un exemplaire de « Correspondances » dans les rayons de la librairie Super-Héros, à Paris. C'était le seul exemplaire. Non seulement on lui avait attribué un code barre, mais aussi un prix : 25 euros, et on l’avait correctement enregistré dans l'ordinateur du magasin. Quelques jours auparavant, le libraire avait remarqué sa présence dans ses rayons, il n'avait aucune idée du comment et du pourquoi il était arrivé là…

Les dimensions

Le livre mesure exactement 18 centimètres de haut, 12 centimètres de large et 1,9 centimètre d'épaisseur. Il s'agit donc d'une production métrique, ce qui tend à privilégier une origine européenne. En ce qui concerne la hauteur, plusieurs imprimeries produisent des livres de cette taille, et j'en ai trouvé plus d'un dans ma propre collection. La largeur, cependant, est inhabituelle. Il semble que la norme universellement acceptée aujourd'hui soit de 11 centimètres, et j'ai dû retourner toute ma bibliothèque pour trouver un livre, imprimé en 1965, dont la largeur correspond à cette mesure.

À titre d'information supplémentaire, le Canada s'est converti au système métrique il y a une trentaine d'années mais, en raison de la prédominance du marché américain, utilise toujours les mesures impériales pour les travaux d'impression. Cela devrait alléger quelque peu le fardeau de la suspicion et de mon analyse qui pèsent sur mes propres épaules.

La reliure

Le titre au dos du livre suit la convention en vigueur en France et en Suisse romande, c'est-à-dire que la pose dans le sens de la longueur est à l'envers lorsque la couverture est tournée vers le haut. Les livres imprimés en français en Belgique et au Québec suivent la règle anglo-saxonne, qui est inverse. Quant à l’auteur inconnu, cela devrait éliminer Alex Willem et tous les autres résidents belges - ainsi que moi-même - de la liste des suspects.

Bien sûr, les cyniques diront que nous avons peut-être tous eu l'esprit suffisamment tordu pour avoir analysé ce détail et volontairement dérogé à la règle habituelle afin de brouiller nos pistes. Je ne peux que répondre à cela qu'une origine française du livre serait en parfaite adéquation avec la provenance des lettres originales, qui ont été postées depuis la ville de Metz.

La couverture

Le grand « M » rouge pommelé au milieu de la couverture est immédiatement perceptible. Si on compare l'exemplaire d'Olivier et le mien, on remarque des différences indéniables dans les détails. La seule conclusion valable est que cet élément a été ajouté séparément, probablement à la main avec un tampon en caoutchouc.

L'exemplaire de Sylvain
celui d’Olivier

La différence apparente de teinte est due au processus de numérisation. Les originaux ont la même couleur. Il se trouve que l'une des toutes premières missives de “Mary” mentionne que l'un des rares objets qui “est passé” avec elle du monde obscur au nôtre, est un tampon qu'elle utilise pour signer des documents officiels à Mylos. On ne peut reprocher à l'auteur de manquer de cohérence !

Cette information pourrait raviver les soupçons sur moi-même, je dois préciser que produire un tel sceau n'est pas difficile du tout. Travaillant avec un groupe d'obscurophiles sur BDParadisio, j'ai fait fabriquer quinze exemplaires d'un tampon en caoutchouc par une entreprise proche de chez moi et spécialisée dans ce genre de travail

Dans le cas de ce « M », il aurait pu être acheté, tel quel, dans un magasin. En fait, il est si simple à fabriquer qu'il aurait pu être réalisé par un amateur quelque peu agile, avec une lame et un morceau de caoutchouc. S'il s'agit de l'original décrit par Mary, il alors aurait une dizaine d'années et serait proche d'être un objet de collection.

Une vérification faite auprès de Benoît Peeters a révélé que ce même sceau était également utilisé au verso de plusieurs lettres qu'il avait reçues.

Informations sur l'imprimante

En France, en Belgique et probablement dans d'autres pays également, il existe une loi exigeant qu'une copie de tout ouvrage imprimé soit déposée aux archives nationales, et cette information doit être clairement indiquée. Mais il est cependant peu probable que cela s'applique à une si petite production privée. Le livre contient bien une mention technique, mais elle est quelque peu difficile à vérifier, du moins depuis le Monde illuminé…

Cet ouvrage a été imprimé aux Presses de la Cour à Porrentruy en 771.

Tous droits réservés pour toutes les cités, y compris Sodrovno-Voldachia &

Les Illustrations

Les illustrations qui ornent certaines pages de « Correspondances » sont intéressantes à bien des égards. Ce sont, à une exception près, les mêmes qui accompagnaient le “Testament”. Ces images, que j'avais scannées avant d'envoyer les originaux à Benoît Peeters, sont reprises dans le Dictionnaire et présentées dans le dossier correspondant. J'ai même pensé un instant que l'auteur du livre aurait pu les y trouver, en effet il n'aurait pas été impossible, pour l'auteur des lettres, de revendiquer le travail d'autres contributeurs anonymes et de réunir toutes les œuvres en un seul volume.

Toutefois, cette hypothèse s'effondre après un examen attentif. Il y a des petits détails qui indiquent que si effectivement la reproduction a été faite à partir des mêmes originaux, ils doivent avoir été faits séparément. C'est le plus évident pour l'illustration de la page 138. Elle représente le Laetitia, un énorme véhicule à bord duquel Mary et de Malegarde auraient traversé une grande partie du Continent. Dans « Correspondances », on remarque que le coin inférieur gauche porte une légère ombre qui n'est pas présente sur la copie que j'ai réalisée. Ce genre de défaut est caractéristique de ce qui se passe lorsque le document à copier n'est pas parfaitement plat lors de sa reproduction, soit sur une vitre de scanner ou face à une caméra.

Excerpt from Correspondances
Excerpt from the “Testament”

Le sujet même de cette illustration particulière est en effet digne d'intérêt. Lorsque j'ai reçu le « Testament », la rubrique « Le courrier de Mary » était déjà en ligne depuis un certain temps sur le site Internet urbicande.be, et donc accessible à tous. N'ayant à l'époque aucune autre référence concernant le “Mail”, j'avais conclu qu'un obscurophile anonyme, probablement un Québécois, avait utilisé les sources publiées par nos auteurs pour écrire sa propre histoire.

À la lumière des événements récents, cette conclusion semble désormais erronée et doit être révisée. Le Laetitia du livre est tout à fait conforme à celui présenté dans le court métrage envoyé par internet à nos auteurs avec les « messages scriptophoniques ». On a même pris soin de représenter les deux cheminées visibles dans le film, un détail qui est très difficile à se remémorer. De plus, le véhicule est présenté sous un tout autre angle, et l'artiste a probablement travaillé à partir d'un modèle réel ou virtuel. Il est en effet difficile de dire si l'on se trouve face à une miniature ou à un effet informatique, tant la qualité du travail est quasiment parfaite. On croirait presque que le film a bel et bien été tourné en extérieur !

Autre détail : la partie supérieure de toutes les illustrations jointes au « Testament » ont été arrachées en diagonale. En fait, j'ai scanné ces images sur un fond noir pour souligner cette caractéristique. Aucune marque révélatrice n'apparaît sur les dessins reproduits dans « Correspondances ». De tels défauts peuvent facilement être corrigés par divers moyens, mais une personne disposée à s’en donner la peine aurait également effacé l'ombre mentionnée ci-dessus. J'en conclus donc que les reproductions ont été faites avant que les originaux ne soient arrachés et déposés dans ma boîte aux lettres.

Si j'insiste sur ce point, c'est pour réfuter l'idée que le livre aurait pu être élaboré par Benoît Peeters à partir d'éléments véritablement reçus de manière anonyme au fil des années. Les esprits suspects me diront bien sûr qu'il est fort possible que Benoît, sans savoir ce que j'en ferais, ait fait ces copies avant de m'envoyer les originaux par des moyens détournés. Là encore, l'auteur des Cités Obscures jure que tel n'est pas le cas.

Parmi ces dessins, il en est un, page 25, très différent des autres, il a été réalisé par François Schuiten et envoyé à l'auteur de la lettre à son adresse à Metz.

A l'époque, François soupçonnait encore, quelque peu, son collègue d’être derrière tout ce mystère, d'où la remarque ironique qu'il met dans la bouche de Robick…

L'écriture, le style, tout est parfait… Et pourtant, quelque chose continue de me paraître suspect… » Signature : « Pour M

L'écriture manuscripte

Le livre lui-même a été imprimé avec une typographie d'apparence normale, mais nous avons pu étudier trois spécimens d'écriture entre nos mains et directement liés à « Correspondances ». Ils sont tous très courts, mais néanmoins révélateurs.

1 - La numérotation. Chaque livre est numéroté individuellement. Nos auteurs, Olivier, Jérôme et moi-même avons reçu, dans l'ordre, les exemplaires 1/25, 2/25, 12/25, 18/25 et 25/25. Ces chiffres sont écrits au crayon sur la page de titre, d'une écriture si fluide que je les ai d'abord pris pour une signature.

2 - L'emballage du livre d'Olivier. L'exemplaire remis à Olivier Tissot était enveloppé dans une feuille de papier sur laquelle était inscrit « O. TISSOT » en majuscules. Il ne fait aucun doute que l'écriture manuscrite est la même que pour la numérotation.

3 - La Carte dans le Livre de Sylvain. Mon propre exemplaire n'était pas emballé, mais une carte portant la mention manuscripte « A [à] SYLVAIN ST-PIERRE » était glissée entre deux pages. On peut voir au premier coup d'œil que la main est différente de celle de la numérotation, ou du nom d'Olivier sur l'emballage. Un détail intéressant : mon nom a été écrit de la manière utilisée au Québec, c'est-à-dire avec l'abréviation « St ». Cependant, le style européen («Saint») a été utilisé dans le court texte introduisant le chapitre du livre consacré au Testament de Mary.

4 - Le “Testament”. Ce document tout aussi mystérieux est en fait le seul autre point de comparaison pour l'écriture manuscrite. S'il s'avérait que le style de “Monsieur de Malegarde” est identique à celui de “Mary”, alors nous aurions une preuve définitive que tout cela est une arnaque. Malheureusement, je ne peux pas affirmer avec certitude que c'est le cas. Il peut y avoir une certaine similitude entre le “O. TISSOT” et le texte du “Testament”, mais seul un graphologue - et je n'en suis pas un - pourrait le dire avec certitude et si peu de lettres à comparer. Personnellement, je pense que nous sommes face à deux styles différents. Une chose est cependant certaine : Benoît Peeters confirme que l'écriture du « Testament » est bien la même que celle des lettres manuscrites qu'il possède encore.

Le contenu

L'introduction du livre explique de manière claire et concise la nature et l'origine du contenu, qui est remarquablement bien structuré. Benoît Peeters confirme que les lettres qui lui sont attribuées correspondent bien aux réponses qu'il a écrites à Mary. Maintenir un tel degré de cohérence sur plus d'une décennie est un tour de force considérable, et l'auteur de ce livre est assurément digne de notre admiration !

Les lettres reproduites dans « Correspondances » sont, à mon avis, une source très riche d'informations sur le Monde Obscur. De toute évidence, Schuiten et Peeters doivent penser la même chose, car ils ont utilisé plusieurs extraits comme source d’inspiration.

Par exemple, l'établissement de la relation entre le Monde de la Lumière et celui de l'Obscur semble provenir de ces lettres. De même les Sept Jours de Mylos, la vocation religieuse de Gorona et d'autres détails similaires

D'autres parties, cependant, semblent être restées dans l'ombre. Soit parce que nos auteurs n'étaient pas d'accord avec les faits présentés, soit parce qu'ils les gardent en réserve pour un usage futur. « Correspondances » a donc la prétention de révéler que :

Page 21 - Avril 1990 AD. Le Mystère d'Urbicande a été conçu comme une blague par un groupe d'étudiants de Brüsel. Régis de Brock n'existe pas, et le doyen de la Faculté des Sciences de l'époque, dont Mary ne se souvient pas du nom, était un homme de 90 ans qui protesta avec véhémence. Apparemment, Robick a volontiers fourni son aide pour la mystification.

Page 26 - Mai 1990 AD. Mary a essayé de se faire prendre en photo pendant son séjour dans notre monde, mais son visage n'a jamais réussi à laisser une empreinte sur la pélicule.

Page 28 - Mai 1990 AD. Des précisions sont données sur les calendriers de plusieurs Cités Obscures. Dans la plupart des cas, nous ne connaissons pas les véritables origines de chaque cité, et des événements historiques importants sont utilisés comme base pour l'année zéro. A New Urbicande, qui prend comme point de départ le deuxième axe de croissance du Réseau, actuellement 17. Xhystos commence avec la création de son Conseil, il y a 371 ans. Pâhry a officiellement commencé avec la construction du premier pont entre ses deux rives et se trouve maintenant en 1985. Mylos fête son nouvel an le 28 septembre pour commémorer le jour où une mystérieuse boule blanche a sauvé le village d'origine d'un violent orage, il y a 4.037 ans. Alaxis remporte le trophée, avec un calendrier qui remonte à 10.107 ans.

Page 31 - Juillet 1990 AD. À Mylos, tous les anniversaires sont célébrés le même jour de l'année. Mary n'était donc pas tout à fait sûre de sa date de naissance exacte.

Page 67 - 10 juin 1991 AD. C'est en fait l'un des administrés de Mary qui est venu dans notre monde pour la ramené. Un gentilhomme du nom de Søren Absalón aurait découvert, dans les ruines de la Cité Obscure de Kaloyski, un Passage s'ouvrant à Cuzco, au Pérou.

Page 114 - 24 octobre 1996 AD. Marie aurait été témoin du fameux épisode où les lumières se sont éteintes à Montreuil, mais du point de vue Obscur, après cela elle est retournée sur le Continent. Cela aurait été un bref contact entre les deux mondes.

Page 151 - 16 février 770 AT. La Cité Obscure de Pâhry est sillonnée de couloirs secrets, depuis sous-sols les plus profonds jusqu’aux greniers les plus hauts, tous reliés les uns aux autres. Ce réseau aurait été construit lors de la régularisation de la ville, en partie à des fins défensives, mais aussi pour assurer le contrôle de la population par les autorités. Ces couloirs poussiéreux sont tenus secrets du commun des mortels, mais Roman de Malegarde en connaît quelques accès.

Page 169 - 28 février 770 AT. Une gigantesque faille s'est ouverte aux environs de Blossfeldtstad, s'étendant sur une grande distance vers le sud-ouest jusqu'à une cité mineure nommée Rozenn.

L'auteur

Cette analyse ne serait pas complète si nous ne mentionnions pas, en guise de conclusion, la présence d'un élément particulièrement troublant. C'est le nom même de celui qui prétend avoir compilé les correspondances : Roman de Malegarde. Ce nom de famille est attaché à un petit village de France, jadis défendu par un vieux château, où Benoît Peeters a passé ses vacances depuis de nombreuses années. Un détail qui, parmi nos destinataires, n'était connu que de peu de personnes… Il faut cependant noter que Benoît n'y a pas, comme il le mentionne dans une de ses lettres, découvert un tunnel caché à l'âge de douze ans.

Que penser?

Voilà, j'ai présenté à votre lecture toutes les pièces du puzzle que j'ai trouvées. Vous en savez autant que moi, sinon plus. Peut-être en saurons-nous davantage lorsque les dix-sept exemplaires restants auront été retrouvés. Je vous laisse tirer vos propres conclusions, mais souhaite néanmoins ajouter une opinion personnelle.

Nous sommes ici face à une somme de travail gigantesque. Les lettres, les messages, le film, le livre, la façon dont les exemplaires ont été livrés, les nombreux petits détails personnels qui s'entrecroisent encore et encore ; tout cela est stupéfiant et relève de la folie. Qu'une seule personne ait pu monter une telle mystification et la conserver parfaitement secrète pendant si longtemps est à peine plus crédible que n’importe quelle autre alternative. Car bien sûr, nous ne pouvons pas écarter l'hypothèse la plus folle de toutes. Faut-il l'ignorer, quelqu'un d'autre reprendrait sans doute l’analyse, probablement avec moins d'objectivité.

Serait-ce vrai ?

III : Extraits

Reproduire le contenu des correspondances pose un double problème : la taille de l'ouvrage, 195 pages, et le type de reliure utilisé, qui rendent impossible - sauf pour les toutes premières pages - de poser le livre à plat sur un scanner sans l’endommager. J'ai donc été obligé d'utiliser la capture d'images, pointant une caméra vidéo numérique sur les pages avec une main tout en gardant le livre ouvert avec l'autre. Le résultat est malheureusement déformé et mes doigts sont souvent visibles, mais c'est le mieux que je puisse faire en ce moment. Il est hors de question d'accaparer l'intégralité du livre de cette manière, mais je m'attends à pouvoir ajouter des extraits significatifs au fil du temps. Il se peut que je fournisse éventuellement des traductions, mais je demande votre patience pour cette dernière promesse.