Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

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Première rencontre

Pour rentrer du travail chaque soir, je rejoins à pieds la Gare Centrale - à partir de mon boulot situé dans le quartier Art-Loi à BRUXELLES - via le parc. C'est ainsi qu'un soir, alors qu'il était déjà assez tard, je fus bousculé par un drôle de bonhomme. A toutes jambes, il remontait l'escalier devant le Musée du Cinéma, omit de s'excuser et disparut rapidement comme s'il fuyait quelqu'un ou quelque chose.

Tout dans le comportement de cet homme m'intrigua : la démarche nerveuse et le soucis de faire vite sans se faire remarquer. Plusieurs jours passèrent et, un soir à nouveau, je le revis mais cette fois, lui ne me vit pas. J'étais dans le parc et il surgit des escaliers du musée et se dirigea vers le Palais de Justice. Je le reconnus tout de suite et cette fois-ci, j'eus tout le temps pour l'observer.

Même démarche pressée et même volonté de passer inaperçu et, à mon sens, il en faisait un peu trop, du genre à tellement vouloir passer inaperçu qu'il se faisait remarquer. C'était un homme de grande taille revêtu d'un grand « palto », le col remonté, un chapeau « Borsalino » et un porte-document sous le bras. Je pensais : « l'espion-type » pour rigoler.

Au fil des jours, je remarquais son manège et, toujours à son insu , je pris des photos et quelques notes. Au début, cela me semblait être une hypothèse farfelue mais maintenant la situation me paraissait évidente : tous les soirs, cet homme sortait du Palais des Beaux Arts à l'heure où débutait une représentation théâtrale et y revenait avant la fin du spectacle. Il se rendait à diverses adresses qui, renseignements pris, se sont avérées être des adresses de gens du spectacle. Sa farde souvent vide à l'aller était souvent remplie au retour.

Jamais je ne pus voir son visage ou ses mains toujours cachées dans ses vêtements. Fuyant toute rencontre, seule la peur l'accompagnait. Cette fois, j'en étais sûr : cet homme était un espion. Mais au service de qui et pourquoi ? La guerre froide est pourtant terminée ! Bien des questions restaient en suspend … Curieux de nature, je décidai de faire toute la lumière sur cette histoire. Curieux mais aussi furieux car je venais de découvrir les agissements d'un agent étranger qui possèdait de multiples contacts avec des traîtres dans le milieu artistique.

Tous pourris ! Que faire pour les démasquer ?

Un soir dans le parc, alors que j'étais en train de mettre au point un stratagème pour le dénoncer, l'espion se précipita sur moi. Surpris, je me dis : « il s'est senti observer, il va tenter de m'éliminer; moi témoin gênant. Qu'à cela ne tienne, je ne vais pas me laisser faire ! ». J'étais prêt à l'affronter en position de combat. C'est alors qu'il me dit : « Excusez-moi Monsieur. Pourriez-vous, s'il vous plaît, m'indiquer où se trouve la Rue B ? » Là, je ne pus me retenir : « QUOI ? Déjà que vous nous espionnez, que vous payez de sales indics et en plus, vous voudriez que je vous aide ?Ca va pas non ? »

Mon espion se morfondit en excuses. Pour la première fois, je crus pouvoir voir son visage. Sa peau était pâle, blanc papier. « Vous avez raison, me dit-il alors, je suis un agent de renseignement mais pas celui que vous pensez. Mais à quoi bon vous expliquer, vous ne me croirez pas ».

Il tourna les talons et s'en alla dépité. Je me mis alors à réfléchir. Ce type n'avait pas l'accent russe. Et puis une autre idée me vint à l'esprit : « Et s'il venait des Cités Obscures ? ». Je courus pour le rattraper car je voulus avoir le coeur net. « Expliquez-moi tout. Vous travaillez pour les Cités Obscures n'est-ce pas ? ». Je sentis chez lui un moment d'étonnement, puis il me répondit : « Oui, je viens des Cités Obscures ». Je l'invita à prendre un verre dans un café et là, il commença à tout me raconter : « Il existe un passage entre les deux mondes et ce passage ne s'ouvre que quand, au même moment dans les deux théâtres, se joue une pièce ». « Quels théâtres ? » lui dis-je. « Le nôtre et le vôtre » me répondit-il. « Le Palais Municipal des Arts chez nous et le Palais des Beaux Arts chez vous » continua-t-il. « Ils ont été construits de tel manière que les salles de théâtre correspondent entre elles. Ainsi les personnages - dont je suis - peuvent passer dans votre monde et les comédiens de chez vous peuvent passer dans notre monde ».

Il me raconta encore qu'il était 'mandaté' pour mener à bien plusieurs missions. C'est ainsi qu'il était chargé de récolter le plus d'informations possibles sur l'Europalia consacrée à Horta. Il devait également retrouver la trace de Marie Von Ratten (ou de ses descendants), si celle-ci était encore en vie.

Ou encore récolter des informations sur notre aérospatial et notre télécommunication. Très vite, je fus convaincu que si cet homme était là, c'était à des fins pacifiques. Depuis notre rencontre, nous collaborons ensemble en vue d'une meilleure compréhension entre nos peuples. Je l'aide comme je peux. Je lui ai dit que Marie Von Ratten était peut-être repartie dans les Cités Obscures via le Pérou. Si vous avez plus d'informations à son sujet, faites-le moi savoir, je lui transmettrai.

On se rencontre souvent lui et moi. Il me fait découvrir son monde et je lui fait découvrir le nôtre. Au fil de nos conversations, je remarque que leur monde est plus avancé que le nôtre au point-de-vue artistique et que le nôtre, est plus développé au niveau scientifique.

C'est pourquoi, il n'est pas étonnant de rencontrer des artistes terriens dans les Cités Obscures et je ne serais pas étonné de croiser de grands scientifiques obscures ici. D'ailleurs le génie ne tiendrait-il pas de là ? Jules Verne était si prolixe parce qu'il avait les Cités Obscures comme source d'inspiration.

Il en irait de même pour Desombres, Saxe. Selon mon ami, le saxophone existerait depuis bien plus longtemps dans les Cités. Il aurait été inventé par un Brüsselois, Henri Facks, et s'appellerait le facksophone. Il en irait de même également pour Horta. La rumeur veut que Xhystos fut créée sur base de livres écrits par Horta. Il se pourrait tout aussi bien être l'inverse, ça paraît plus plausible. Horta a mis toute une vie pour créer quelques bâtiments alors qu'il existe là-bas une ville entière de ce type. Cela expliquerait aussi pourquoi il n'a pu remodeler une grande partie de Bruxelles (comme il en avait l'intention) vu l'état de délabrement qu'est devenu Xhystos. Il en perdit donc le support de ses amis de la secte B.

La perte de crédit de ses amis aurait aussi pu être dûe au fait que la seule chose qui les intéressait était un passage vers l'autre monde et qu'une fois ce passage créé, Horta fût remercié comme un malpropre. J'appris également lors de nos conversations que le Palais des Beaux Arts était situé dans le quartier de la franc-maçonnerie. Ce bâtiment est relié au Palais de Justice (par la Rue Royale) : le Palais de Justice créé par Poelaert, le Palais des Beaux Arts par Horta … Ma conviction est qu'il y a eu, au sein de la secte B, plusieurs courants (répartis dans le temps) et que chaque courant voulait avoir son passage.

Certains y ont réussi (le courant de Poelaert, de Horta), d'autre pas (De Pauw ??). Il en irait de même dans les Cités Obscures (le Palais des Trois Pouvoirs, l'Echangeur Universel, la Brüsselisation, les fouilles de Marahuaca. Le premier Festival du Lac Vert était-il réellement un échec ou une tentative de passage chez nous ?…). Il paraît évident que le Palais des Beaux Arts aie été construit (comme le Palais de Justice) pour servir de passage entre les deux mondes. Mais quel en est le fonctionnement ? Je l'ignore encore. Mon ami est d'ailleurs plutôt discret à ce sujet . Il m'énuméra encore d'autres découvertes (l'imprimerie, le cinéma…), il m'en fit une liste tellement longue que je me fis la réflexion : « Et pourquoi n'existerait-il pas un troisième monde ? ».

Le développement des sciences y serait plus important et que, par un quelconque subterfuge, des scientifiques aussi éminents que Eurêka Archimède, Apple Newton ou Relativity Einstein y seraient allés et y auraient ramené des idées géniales au même titre que des scientifiques obscures 'inventèrent' des réalisations telles que le zeplin, la voiture, le papier carbone, les lunettes ou la caisse enregistreuse provenant de chez nous .

C'est comme cela que commença, notre nouvelle collaboration.