Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

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Conclusion : Perspectives pour le genre

En 1978 en voyant le premier numéro de A Suivre, moment où la bande dessinée était en pleine effervescence, vous aviez pensé que l'on pourrait aller beaucoup plus loin si au renouvellement graphique s'ajoutait une ambition au niveau de l'écriture. Que pensez-vous rétrospectivement de ces années écoulées, votre attente a-t-elle été déçue ? Une bande dessinée adulte est-elle à l'úuvre ? Comment jugez-vous la situation actuelle, la montée des nouveaux talents ?

FS : Pendant tout un temps, jíai pensé que nous avions vécu, avec les débuts de A suivre et de Métal hurlant, une période bénie díinventivité, díétonnement, díambition. Dans la fin des années quatre-vingts, je me surprenais moi-même à lire de moins en moins de bande dessinée, à part les classiques… Maus, LíOrigine ont été pour moi des exceptions. Mais le plaisir de dessiner, de raconter en images, nía lui jamais faibli.

Aujourdíhui, des groupes de jeunes auteurs comme Frigo ou LíAssociation laissent augurer díun renouvellement. A nouveau, on est surpris, on síamuse des trouvailles, des audaces de ces équipes. Cíest peut-être par là que la bande dessinée va retrouver une proximité avec une jeune génération qui dispose aujourdíhui de bien díautres lieux díémerveillement. Que pourrait leur apporter la bande dessinée standard ? Cíest peut-être en collant aux préoccupations de cette fin de siècle, en retrouvant líextraordinaire souplesse de la narration sur papier, que le contact va se retrouver.

BP : En fait, suivant les jours, nous penchons plutôt vers líoptimisme ou le pessimisme. Parfois, on se dit que les jours du média sont comptés, que la bande dessinée sera bientôt une affaire de vieux nostalgiques. Díautres fois, on tombe sur un album inconnu et puissant, et on a líimpression que tout est encore possible.

FS : Une chose qui me paraît essentielle, cíest de sortir díun regard étroitement franco-belge. En octobre 93, nous sommes allés à Tokyo à líinvitation de la revue Morning et nous avons été très frappés par la vitalité du monde de la manga. Díun point de vue purement esthétique, il y aurait beaucoup à dire, mais les vrais enjeux des mangas se situent ailleurs : les auteurs japonais ont souvent une ambition narrative, un souci díêtre en prise avec leur public qui les place loin devant la plupart des auteurs européens.

Je reviens du Salon de la bande dessinée de Barcelone et jíai été frappé par líampleur des changements qui se produisent. Le jeune public se pressait autour des stands japonais ; certains achètent ces mangas dans leur version originale, même síils ne peuvent lire les textes. Cíest líonde de choc díannées passées devant les dessins animés japonais…

Face à ce mouvement, la bande dessinée adulte européenne ne peut se cantonner dans une position frileuse, se replier dans une forteresse. Il ne síagit nullement de courir derrière le succès et díimiter des choses qui ne correspondent pas à ce que nous sommes, mais bien de nous donner de nouveaux enjeux, de prendre de nouveaux risques.

BP : Plus que jamais, nous avons le sentiment que la bande dessinée telle que nous la concevons ne peut se concevoir en dehors des médias qui líentourent. Pour nous, de plus en plus, les travaux de scénographie, les expositions-spectacles, le cinéma, líanimation de synthèse, le CD interactif, etc., deviennent des corrolaires fondamentaux. Nous nous sommes déjà déplacés plusieurs fois. Nous serons sans doute amenés à le faire davantage, tout en approfondissant la logique de notre démarche.