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Un lifting très réussi pour «La Fièvre d’Urbicande»

Pour la première fois, l’un des plus fameux récits du duo Schuiten et Peeters est édité en couleurs.

«La fièvre d’Urbicande»: couverture (extrait) de la nouvelle édition.

Il y a toujours une petite appréhension à relire un album découvert et adoré plus de trente ans auparavant. Paru initialement en 1985 en noir et blanc, «La fièvre d’Urbicande» trouve une nouvelle dimension à travers une édition colorisée. Confiée à Jack Durieux, un graphiste passionné d’architecture, cette mise en couleurs inédite d’un des plus fameux récits de la série «Les cités obscures» magnifie l’histoire imaginée par Benoît Peeters et François Schuiten autour de l’architecte Eugen Robick.

Personnage inspiré à la fois par Le Corbusier, Albert Speer et les futuristes italiens, cet «urbatecte» est l’homme d’une seule ville. À Urbicande, il a conçu les bâtiments principaux et de vastes perspectives dans un style monumental aux dimensions intimidantes. Des allures staliniennes qu’on retrouve dans son maintien hiératique, à l’image des autres personnages évoluant au sein de cette cité imaginaire futuriste.

À Urbicande, Robick a conçu les bâtiments dans un style monumental intimidant.

Un grain de sable va survenir sous la forme d’un cube creux, amené par des ouvriers chez Robick. Composées d’une matière inconnue, les arêtes de cet objet vont commencer à s’allonger inexorablement, créant de nouvelles barres et de nouveaux cubes. En se développant rapidement de manière exponentielle, ce réseau en 3d va bouleverser l’ensemble du système social rigide d’Urbicande, instaurant un chaos bienvenu.

Récompensé par le prix du meilleur album au Festival d’Angoulême en 1985, «La fièvre d’Urbicande» a longtemps constitué l’un des fleurons de la prestigieuse collection «Les romans (A suivre)» initiée par l’éditeur Casterman. Des récits à la pagination libre, en noir et blanc. Pour entrer dans ce moule, Schuiten et Peeters ont renoncé à mettre en couleurs leur histoire, comme ils en avaient primitivement l’intention. Heureux de l’engouement pour ce conte fantastique en forme d’utopie, les deux auteurs vont néanmoins garder dans un coin de leur tête l’idée d’une possible colorisation. À deux reprises, et pour des occasions ponctuelles, Schuiten va retravailler quelques cases dans ce sens.

En 1985, «La fièvre d’Urbicande» a reçu le prix du meilleur album au Festival d’Angoulême.

Avec cette nouvelle édition, ils concrétisent leur première vision. À la fin de l’album, dans une postface inédite, ils expriment leur satisfaction face à ce lifting opéré dans des tons oscillant entre le mauve, l’ocre et de subtiles nuances de bleu. «Comme si le récit avait attendu pendant près de quarante ans de trouver son visage définitif», écrit Benoît Peeters.

Pour bien détacher les différents plans, Durieux a passé certains éléments du dessin noir et blanc en couleur.

Maître d’œuvre de cette colorisation réussie, Jack Durieux explique la difficulté de sa tâche. «On ne peut pas se contenter de glisser de la couleur dans les surfaces définies par les traits. Avec l’accord de François (Schuiten), j’ai pris la liberté de passer certains éléments du dessin en couleur pour atténuer leur présence, de manière à détacher davantage les différents plans. (…) Le vrai défi était de parvenir à un résultat si naturel, que l’album donne l’impression d’avoir toujours été conçu pour la couleur.». Défi brillamment relevé.

Original article by Philippe Muri, published at November 7,2020.
Read the original publication at 24 Heures