Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

the impossible & infinite encyclopedia of the world created by Schuiten & Peeters

User Tools

Site Tools


Action disabled: source

Benoît Peeters, de la cuisine à la BD

Ecrivain et scénariste de bande dessinée, Benoît Peeters fut un temps chef à domicile. Une façon d’assouvir sa passion pour des plats simples et racés, telle cette salade au homard.

Benoît Peeters est écrivain et scénariste de bande dessinée. Il a notamment écrit la série « Les Cités obscures », avec François Schuiten. Julie Balagué pour M Le Magazine du Monde

De mon enfance, je n’ai que très peu de souvenirs culinaires. J’ai grandi à Bruxelles, où mon père était l’un des premiers fonctionnaires européens. Ma mère nous préparait à manger, bien sûr, mais sans enthousiasme particulier. Au début, elle piochait des recettes dans un livre de Ginette Mathiot, Je sais cuisiner – beaucoup de classiques au four, chicons au jambon, hachis Parmentier, quiche lorraine… Puis, au fil des années, les conserves et les surgelés ont remplacé les plats gratinés réconfortants. Ma mère s’est peu à peu détournée des fourneaux, ravie de laisser faire l’électroménager et l’industrie agroalimentaire. A table, la viande est devenue sèche, les poissons mous, les sauces insipides.

C’est à ce moment-là, vers l’âge de 10-11 ans, que j’ai investi la cuisine. Je n’avais aucune base, mais je bricolais des pommes de terre sautées, un rosbif, un gâteau… Revenu à Paris à 18 ans, en hypokhâgne, j’ai commencé à me passionner pour la gastronomie avec mon camarade de classe Jean-Christophe Cambier. Nous n’appartenions pas au même monde : il avait fréquenté dès l’adolescence de belles tables étoilées, je l’écoutais avec envie. Je mangeais, quant à moi, tous les jours à l’infect resto U de Mabillon, et vivais chez une vieille dame dont la cuisine était sale et minuscule. J’avais peu d’occasions d’exercer mes papilles et mes couteaux, mais je lisais le Gault & Millau.

Expérimenter, inventer, s’amuser

En 1977, l’été de mes 20 ans, nous sommes partis en vacances dans le Massif central et sommes passés, comme par hasard, devant la Maison Troisgros, à Roanne. Ma compagne, Marie-Françoise, disait toujours que je n’avais « aucun sens de l’orientation, sauf pour trouver des restaurants ». Nous avons décroché une table et une chambre pour le soir même, à un prix très abordable. Et ce fut l’éblouissement. La fameuse escalope de saumon à l’oseille, entre autres, nous laissa extatiques. En repartant, j’ai acheté les livres des Troisgros et de Michel Guérard (La Grande Cuisine minceur), qui sont devenus mes manuels de chevet. J’ai tout appris en m’exerçant avec leurs recettes.

Lire aussi | Salade de homard : la recette de Benoît Peeters

Je me suis passionné pour la Nouvelle Cuisine comme pour le Nouveau Roman : la modernité, c’est se débarrasser des conventions, expérimenter, inventer, s’amuser. L’année suivante, je suis retourné vivre à Bruxelles. Les repas que je préparais pour mes proches avaient du succès. Je me suis dit, pourquoi ne pas gagner ma vie ainsi ? Je suis devenu chef à domicile. L’un des mets qui marchait le mieux, c’était le homard. Je n’ai été cuisinier professionnel qu’un an, mais cela m’a beaucoup appris, plus encore sur le plan sociologique que gastronomique. Aujourd’hui, je cuisine beaucoup à la maison, sans prétention aucune. Je prends parfois des risques, mais je ne suis pas dans la performance. Cette petite salade au homard en est l’image : une création simple, goûteuse, avec juste ce qu’il faut de croquant et d’étonnant.

Lire aussi | Quand Vérane Frédiani cuisine les misogynes

Les Cités obscures, avec François Schuiten, intégrale en 4 volumes, Casterman, 2019.

Comme un chef, avec Aurélia Aurita, Casterman, 2018.

Original article by Camille Labro, published at February 22,2019.
Read the original publication at Le Monde