Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

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Little Nemo fait rêver Cherbourg

La 8e biennale du 9e Art de Cherbourg met le cap cette année sur l’Amérique. Jusqu’au 1er octobre 2017, Cherbourg-en-Cotentin accueille une rétrospective Winsor McCay unique au monde, rassemblant une soixantaine planches du maître américain, dont une trentaine de son chef d’œuvre Little Nemo, une première mondiale !

Le recueil des planches édité par Taschen

Pour tout amateur de bande dessinée, la découverte du travail du Little Nemo in the Slumberland de Winsor McCay est un choc. Par le format d’abord : ses pages sont énormes, conçues pour le supplément du dimanche des grands journaux américains ; par son approche esthétique ensuite : ses situations se projettent dans l’espace, le plus souvent urbain, de villes aux constructions élégantes et sophistiquées marquées par les dernières innovations des architectes de l’École de Chicago, adornés de couleurs aux camaïeux subtils et paisibles ; ses univers oniriques enfin, qui empruntent à un fantastique et un merveilleux jamais cauchemardesque au sein duquel progresse un enfant ébahi et dont les explorations au Pays de Slumberland, à chaque fois plus extraordinaires, se terminent invariablement en fin de page par un réveil au bas du lit.

François Schuiten se souvient de cette bande dessinée que lui acheta son père parce qu’elle ne se trouvait pas classée dans le rayonnage vulgaire des « illustrés », mais dans la section des « livres d’art ». Il s’agissait de l’édition française de Little Nemo publiée chez Horay par Claude Moliterni en 1969 et dont le lettrage avait été assuré –le dessinateur belge ne l’apprendra que plus tard- par… Philippe Druillet, un autre amateur d’envolées lyriques graphiques.

François Schuiten devant l’une des planches de Little Nemo à Cherbourg en Cotentin

Un créateur exceptionnel

Né au Canada, Winsor McCay (1869-1934) a toujours dessiné. Il avait étudié auprès de John Goodison, un professeur de dessin qui lui prédit un grand avenir. Entre Chicago et Cincinnati, il exerce un travail d’illustrateur et de graphiste, notamment pour la publicité. Sa vie bascule en en 1898 lorsqu’un journal local lui propose de faire des bandes dessinées. Il ne tarde pas à rejoindre New York où les tycoons de la presse : Joseph Pulitzer, William Randolf Hearst et James Gordon Bennet s’arrachent les premiers grands auteurs de BD américains. C’est dans le New York Herald de ce dernier commence à dessiner ses premières planches en juillet 1904 avec diverses séries toutes plus innovantes les unes que les autres.

Il met au point le 15 octobre 1905, Little Nemo in the Slumberland dont le héros est un portrait de son fils Robert McCay. Durant six ans, l’invention y est permanente. C’est un choc esthétique de première ampleur qui fait comprendre toutes les possibilités de ce qui deviendra, des années plus tard, le 9e Art.

Des versions originales des Sunday Pages

« L’invention se double chez lui d’un véritable inventaire, écrit Benoit Peeters, commissaire, avec François Schuiten, de cette exposition monographique majeure : ne cessant de s’étonner des figures qu’il met à jour, il explore de manière quasi méthodique les spécificités de la bande dessinée. Loin de penser ses cases de manière indépendante, McCay les conçoit d’emblée comme les pièces d’un plus vaste dispositif : la planche. Le vaste espace de la Sunday Page du New York Herald –large d’environ 40cm et haut de 56- devait répondre à une double exigence : assez spectaculaire pour accrocher l’œil de celui qui feuilletait le journal d’une main distraite, il devait être assez intrigant pour l’inciter à la lecture. »

L’exposition s’enrichit en outre d’un section d’originaux d’autres pionniers du comics trip : Richard F. Outcault (Yellow Kid, Buster Brown), Rudolph Dirks (The Katzenjammer Kids), Frederick Burr Opper (Happy Hooligan) ou encore Geo. McManus (Bringing up Father) mais aussi des dessins animés dont Winsor McCay fut le pionnier : Little Nemo (1911), How a Mosquito Operates (1912), Gertie le dinosaure (1913) et Le Naufrage du Lusitania (1918), un dessin animé documentaire qui expliquait comment le célèbre bateau fut coulé par la marine allemande, prélude à l’entrée en guerre des États-Unis dans la Première Guerre mondiale.

Une planche originale avec ses indications couleurs. Rarissime.

Pionnier, visionnaire, spectaculaire, le travail de Winsor McCay n’a rien perdu de sa puissance plus de cent ans après sa première publication. L’ensemble exceptionnel et sans doute unique de ces planches rassemblées par Bernard Mahé, l’animateur de la Galerie 9e Art à Paris, se tiendra tout l’été jusqu’au 1er octobre. Ce dernier a d’ailleurs publié un recueil en fac simile de 26 de ces planches de Little Nemo (reproduites à 90% de l’original) avec en face la Sunday Page qui en a été tirée et, pour chacune, un commentaire de Benoît Peeters et François Schuiten. Un document d’exception dans un format géant et relié plein bois, tiré à seulement 180 exemplaires Le prix de la souscription des 60 premiers exemplaires est à 480 €, puis 580 € pour les 120 suivants. [1]

Les moins riches pourront se rabattre sur les éditions d’Alexander Braun aux éditions Taschen ou aller voir et revoir les planches originales à Cherbourg-en-Cotentin jusqu’au 1er octobre 2017.

Pour l’affiche, François Schuiten a fait un mix entre le dessin de Winsor McCay et sa représentation de la gare maritime, un magnifique monument d’Art Deco de Cherbourg.

Original article by Didier Pasamonik (L’Agence BD), published at June 23, 2017.
Read the original publication at AcuaBD