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Dialogues: les sérigraphies de Schuiten et Durieux exposées à Paris

© Laurent Durieux

ENTRETIEN - Deux artistes, l’un auteur de BD l’autre illustrateur, évoquent les affiches de films de Francis Ford Coppola et de François Truffaut qu’ils ont conçues à quatre mains.

Les amateurs de BD connaissent bien le duo de Schuiten & Peeters, auteurs de la série des Cités Obscures et de plusieurs expositions dont la dernière, Machines à dessiner, se déroule actuellement au musée des Arts et Métiers. Une autre exposition, intitulée Dialogues, dévoile à la galerie Barbier & Mathon une association inédite, celle entre le dessinateur Schuiten et l’illustrateur Laurent Durieux.

Les deux hommes s’estiment depuis longtemps et échangent des conseils. C’est ce dialogue permanent entre deux artistes, entre deux techniques, celles de la BD et de la sérigraphie, qui est au centre de Dialogues. Ensemble, ils ont conçu plusieurs affiches d’expositions et de films. Laurent Durieux connaît d’ailleurs bien le cinéma. Il compte parmi ses clients Francis Ford Coppola, Park Chan-wook (Old Boy) et Nicolas Winding Refn (Drive).

Schuiten et Durieux, qui s’apprêtent à se retrouver sur une nouvelle version de Blake et Mortimer, ont accepté d’évoquer pour BFMTV.com leur collaboration. La rencontre s’est déroulée le mercredi 16 novembre dans la galerie Barbier & Mathon. La nuit tombait. Dans une ambiance joyeuse, les deux auteurs, affairés à une table, signaient les 350 exemplaires du superbe catalogue de l’exposition tout en répondant à nos questions.

© Laurent Durieux

Qu’est-ce que la sérigraphie?

Laurent Durieux: La sérigraphie est juste une technique d’impression. On ne peut pas dire qu’elle soit liée à la BD.

François Schuiten: C’est une technique très intéressante qui permet de réaliser des affiches. Elle travaille surtout sur les aplats, contrairement à la lithographie, dont le support est une pierre calcaire. La sérigraphie, c’est un châssis en nylon qui laisse passer la couleur.

L.D.: C’est un peu le système du pochoir. Chaque couleur se superpose l’une au dessus de l’autre, du plus clair au plus foncé.

F.S.: Évidemment, il existe des tas de sophistications: des encres transparentes ou métalliques, des paillettes… On peut attendre un niveau de raffinement et de subtilité incroyable. La couleur vient se déposer directement sur le papier: on obtient des aplats que l’on peut avoir nulle part ailleurs.

L.D.: C'est le “plus” de la sérigraphie: c'est très physique. Dans le velouté des couleurs, dans la profondeur. Tu n’as pas cela dans les livres. La sérigraphie, c’est artisanal. C’est imprimé par un humain, avec ses petites mains, son savoir.

F.S.: Beaucoup d’auteurs ont conçu des sérigraphies parce qu’il s’agit d’une des façons les plus nobles de fabriquer une image.

La collaboration

F.S.: Cette collaboration me permet d’expérimenter, d’être confronté à d’autres problèmes. Le métier de dessinateur est terriblement solitaire. Il y avait une phrase d’Hergé dans sa dépression qui me fascinait: 'Il y a trop de moi en moi'. Le danger lorsque l’on pratique un métier aussi longtemps, c’est que l’on se construit une prison. C’est un drame. Il faut tout casser, régulièrement. Mais on ne le fait pas assez. Avec Laurent, l’avantage c’est qu’il me propose de scier quelques barreaux. C’était rigolo à travers cette expo de montrer que parfois j’ai besoin d’un coup de main, d’un regard extérieur. C'est formidable de savoir que l’on peut compter sur quelqu’un. Je suis vraiment heureux si je peux l’aider lorsqu'il a un problème de composition.

L.D.: On s'appelle aussi beaucoup pour discuter, pour penser à autre chose. Nous avons de grandes conversations où nous parlons de nos passions. Une relation se construit ainsi. J’ai beaucoup appris dans ma vie en parlant avec des gens. François a toujours des points de vue intéressants. L’autre jour, il m’a décrypté Inside Moebius en établissant des parallèles très pertinents avec Franquin et Hergé.

Les affiches de Coppola

L.D.: François me conseille souvent des petits changements. Pour cette affiche du Parrain, il m’a dit que ce serait bien d’avancer la jambe, que ce serait plus dynamique. Ce sont des petites discussions qui sont inestimables. Pour les couleurs, on est obligé de composer avec sa sensibilité, son éducation visuelle. J’essaye d’éviter les poncifs. J’ai travaillé sur les oranges, un thème récurrent du Parrain puisque la couleur orange ou des oranges apparaissent juste avant les scènes de crime ou de violence.

F.S.: Pour l’affiche de Conversation secrète, un film de Coppola que j’adore, on a travaillé un peu comme sur un puzzle. C’est la première fois que l’on a collaboré ainsi. J’ai dessiné le visage, lui a trouvé l’idée du plancher et a assemblé les éléments.

L.D.: L’aide n’est pas uniquement formelle. Elle est aussi conceptuelle. C’est cela aussi une affiche: un concept. Pour cette affiche, c’était une vraie partie de ping pong. On s’appelait et on discutait. C’était très gai. François a été très généreux. Il était en train de finaliser son musée du Train World et son livre. Très gentiment, il a accepté parce qu’il adore ce film.

L’affiche de l’exposition

L.D.: François savait que j'étais débordé. Il a commencé l’affiche, que je lui ai décrite par téléphone. Je me vois dans cette scène en train de ne rien faire et lui en train de prendre très longtemps pour dessiner! (rires) Puis il m’a repassé l’image une fois que le trait était fini. J’ai réalisé toute la mise en couleur et les aménagements, dont l’aile volante [un clin d’oeil à Blake et Mortimer, ndlr].

F.S.: Pour l’affiche, je pensais à un truc ésotérique, avec des mains sur la glace, le dessin se faisait dans le reflet… Il m’a dit qu’il voyait l’affiche autrement, avec un bureau de dessinateur. J’ai bien aimé l’idée.

L.D.: Je trouvais qu’il manquait dans la collection de superbes images qu’il a faite sur la 12 [ une locomotive à vapeur à laquelle il a consacré deux livres, ndlr], j’avais envie que l’on me raconte la genèse de cette locomotive. Je suis fasciné par les designers industriels. Je me suis dit que ce serait bien d’avoir le studio, avec les premières esquisses.

F.S.: La petite anecdote, c’est que j’avais mis des 12 partout et qu'il m'en a enlevé! Et il m’a mis à la place l’aile volante! L.D.: C’était aussi pour introduire le Blake et Mortimer!

F.S.: Et il y aura une petite 12 dans le Blake et Mortimer!


Dialogues, François Schuiten et Laurent Durieux

Galerie Barbier & Mathon, 10 rue Choron, Paris 75009. Du mercredi au samedi de 14h à 19h30 ou sur rendez-vous: 06.80.06.29.95. Métro Notre Dame de Lorette.

Une séance de dédicaces avec Laurent Durieux et François Schuiten est prévue samedi 26 novembre à 14h.

Dialogues, François Schuiten et Laurent Durieux, édité par Barbier & Mathon, 350 exemplaires numérotés et signés, 95€

Original article by Jérôme Lachasse, published at November 26, 2016.
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