Altaplana, world of Francois Schuiten and Benoit Peeters

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Paris en passe d’être gagné pour Schuiten et Peeters

Revoir Paris, t.1, Benoît Peeters (scénario), François Schuiten (dessin). Editions Casterman, 64 pages, 15 euros.

Schuiten et Peeters quittent (provisoirement ?) l’univers très XIXe siècle des Cités obscures pour la science-fiction et le XXIIe siècle. Mais en conservant beaucoup de convergences et de similitude entre ces deux univers.

En 2155, les privilégiés réfugiés dans une « arche stellaire » envoient une expédition sur Terre, abandonnée depuis de nombreuses années et retombée, semble-t-il, en plein chaos. A la tête de la mission, Kârinh, une jeune femme rebelle, dont on découvrira progressivement les origines atypiques (orpheline, sa mère est morte en l’accouchant, au retour d’une précédente expédition terrienne et après un amour avec un « Terrien »), mais aussi la fascination pour la « ville lumière », « utopiomane » se plongeant à l’aide de drogues dans des « voyages » dans un Paris fantasmatique, à la recherche de son père…

En changeant d’époque, Schuiten et Peeters ne changent pas vraiment de style ni de registre. On retrouve ici leur attirance pour les réflexions architecturales, avec des planches encore une fois magistrales, emplies de constructions monumentales, de reconstructions imaginaires superbes de Paris aux perspectives vertigineuses et de quelques idées aussi fantaisistes que géniales (comme cet ascenseur spatial antique reliant la navette et la Terre). On retrouve également des références choisies (au Walter Benjamin des Passages de Paris) ou clin d’oeil, comme la citation de leur album Paryh (que l’on remarque dans une case de bouquiniste) ou la retranscription visuelle de l’imaginaire de Robida et de Jules Verne, bien dans l’esprit des Cités obscures. Et puis il y a cette capacité à faire vivre des personnages un peu en apesanteur, dans une fausse légèreté nébuleuse. Un effet renforcé par une mise en couleur douce et aténuée, parfaitement en symbiose avec leur héroïne Kârinh, naviguant dans son monde embrumé (ou éclairé ?) par les drogues.

Au-delà de l’approche esthétique et graphique au charme singulier intact, on retrouve également l’intérêt des auteurs pour les réflexions sociétales. Par petites touches et révélations successives, ils brossent ici une vision sombre de notre futur, entre une poignée d’élus vieillissants partis vivre dans les étoiles et une masse délaissée, sombrant dans les pires horreurs (même si ce premier volet de l’aventure montre plutôt une distorsion entre les propos rapportés et les premières vues de la réalité).

Après le Paris fantasmé sur le vaisseau par Kârinh, le début de confrontation avec la réalité terrienne est certes un peu moins emballante. Et la lenteur du rythme, qui convenait parfaitement à l’ambiance du début devient un handicap alors que l’action prend une dimension plus « réaliste ». Mais la dernière planche et ce piège qui se referme sur l’héroïne laissent espérer un deuxième volet alléchant.

A noter que l’expérience peut se prolonger, jusqu’au 9 mars avec l’exposition Revoir Paris, à la Cité de l’architecture (qui a aussi donné naissance à un autre ouvrage). Une autre manière de se plonger dans l’avenir.

Original article by Daniel Muraz, published at January 23, 2015.
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